Entretien avec Christophe Ribault, Responsable Travaux Sud chez ENERLIS, société spécialisée dans les solutions de rénovation énergétique.
Enerlis a rénové un parc de 60 logements sociaux à Aix-en-Provence. Cette entreprise spécialisée dans la rénovation énergétique a innové sur le système de chauffage. Une chaudière hybride gaz/hydrogène fonctionne avec des panneaux solaires. Une première dans le secteur tertiaire !
Pouvez-vous nous parler de ce projet de chaudière à hydrogène que vous avez installé à Aix-en-Provence ?
"Ce projet fait partie d'une rénovation énergétique globale d'un bâtiment comprenant 60 logements. L'objectif était d'améliorer la classe énergétique des logements, initialement classés D et E, pour atteindre la classe A du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE). Pour cela, nous avons mis en œuvre une série de travaux : isolation thermique par l'extérieur (ITE), isolation des toitures et des sous-sols, remplacement des fenêtres et des radiateurs, et bien entendu la rénovation de la chaufferie".
En quoi ce projet est-il innovant ?
"L’innovation majeure de ce projet réside dans l'intégration d’une chaudière fonctionnant à l’hydrogène. Ce système, développé en partenariat avec De Dietrich et sa filiale Bulane, repose sur un électrolyseur qui fabrique de l'hydrogène sur site. L’électrolyseur injecte ainsi de l’hydrogène en parallèle du gaz naturel dans la chaudière. C’est donc une chaudière hybride gaz/hydrogène".
Les énergies renouvelables occupent une place centrale sur votre projet. Pouvez-vous nous en parler ?
"Nous avons également intégré un mix énergétique complet : du solaire thermique, une pompe à chaleur pour la production d’eau chaude sanitaire, du gaz, et de l’électricité photovoltaïque pour alimenter l’électrolyseur. Cette combinaison permet d’obtenir le meilleur rendement énergétique possible tout en réduisant l’empreinte carbone".
Comment fonctionne ce système de chaudière et quelles sont les technologies utilisées ?
"L'élément clé du système est l'électrolyseur, qui utilise les condensats récupérés des chaudières pour produire de l'hydrogène. Cette production d’hydrogène est alimentée par des panneaux solaires, ce qui permet de réduire encore davantage l'empreinte carbone du projet. Ensuite, l’hydrogène est injecté dans le circuit de gaz à hauteur de 20 %, conformément à la réglementation européenne en vigueur. Ce système permet ainsi d’économiser du gaz naturel tout en diminuant l’impact environnemental du site".
Pourquoi avoir choisi cette technologie ?
"C’est une technologie innovante qui n'avait encore jamais été mise en œuvre à grande échelle. Comme pour toute nouvelle technologie, il faut des pionniers pour l’expérimenter et la faire progresser. Dans le secteur du logement social, les offices HLM sont souvent à la pointe de l'innovation, ce qui permet de tester ces nouvelles solutions et de les perfectionner. Cette approche permet aussi d'injecter des fonds dans des projets innovants, favorisant ainsi le progrès technologique".
Quels sont les avantages de l'hydrogène dans ce projet ?
"L’hydrogène offre de nombreux avantages, notamment en matière de décarbonation. En réduisant la consommation de gaz fossile nous limitons les émissions de gaz à effet de serre. De plus, cette solution contribue à réduire les charges des locataires, ce qui est un enjeu crucial pour les offices HLM".
En quoi ce système hybride est plus intéressant que le 100 % gaz ou le tout électrique ?
"Le principal avantage de ce système hybride réside dans l’optimisation des différentes sources d’énergie. Nous récupérons le meilleur de chaque source pour maximiser le rendement global. Ce type de mix énergétique est encouragé par les grands acteurs du secteur comme GRDF et EDF. L’idée est d’obtenir le meilleur coefficient de performance (COP) possible en combinant gaz, solaire, pompe à chaleur et photovoltaïque".
Quels sont les retours des usagers et des habitants jusqu’à présent ?
"Les premiers retours sont très positifs. L’hiver dernier, les habitants ont pu constater que les températures dans les logements étaient conformes aux attentes, avec environ 19 à 20 degrés, et cela sans chauffer excessivement. De plus, les améliorations apportées à l'isolation des murs leur ont permis d’avoir des logements plus frais en été. Nous aurons des retours encore plus précis après cet hiver, mais les premières impressions sont très positives, notamment grâce à une meilleure isolation des murs".
L’entretien de ce système est-il plus complexe qu’un système classique ?
"L’entretien des chaudières est identique à celui d’une chaudière classique. En fait, ce sont des chaudières gaz standards auxquelles nous avons ajouté la possibilité d’injecter de l’hydrogène. Quant à l’électrolyseur, il fonctionne bien pour l’instant et nous n’avons pas rencontré de problèmes".
Pouvez-vous estimer le retour sur investissement ?
"Nos calculs théoriques, prenant en compte l'ensemble de la réhabilitation du bâtiment, montrent que les locataires pourraient bénéficier d’économies de charges de l’ordre de 60 à 65 %. C’est un résultat significatif, et cela représente des économies d'énergie importantes".
Cette réussite peut-elle convaincre des acteurs privés ou des copropriétés d’investir dans ce type de solution ?
"Il est toujours plus facile de convaincre une fois qu’un projet a démontré son efficacité. Après cette première réalisation, il sera plus simple de convaincre des clients privés ou des copropriétés d’adopter cette technologie. Les résultats que nous obtiendrons après la prochaine période de chauffe nous permettront de confirmer les économies d’énergie et la décarbonation du bâtiment, ce qui est un argument de poids pour convaincre de futurs investisseurs".
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