Rencontre avec Bertrand Drouot L’Hermine, Directeur général délégué de TSE, société spécialisée dans les solutions photovoltaïques à grande échelle. Cette entreprise de 270 salariés est pionnière dans l'agrivoltaïsme.
Bertrand Drouot l'Hermine nous partage sa vision sur l'agrivoltaïsme, qui combine agriculture et production d'énergie solaire. L’objectif ? Répondre efficacement à la crise agricole et garantir la pérennité des exploitations. Un entretien qui s'est déroulé à Paris lors du Salon International de l'Agriculture 2024.
Quels sont les enjeux du décret sur l’agrivoltaïsme ?
"Il est crucial pour nous d’avoir un cadre réglementaire applicable, pragmatique et opérationnel sur l’agrivoltaïsme. Ce décret démontre pour la première fois que l’agrivoltaïsme constitue un axe majeur de la politique énergétique française.
Nous avons besoin d'un cadre sur l’agrivoltaïsme contraignant, qui qualifie précisément les services rendus à l'agriculture, au-delà de la simple rémunération des agriculteurs. Nous sommes, à mon avis, l'un des acteurs les plus exigeants concernant la définition stricte de l'agrivoltaïsme et la qualification des services rendus à l'agriculture. Il est fondamental que les projets agrivoltaïques soient conçus avant tout comme des outils agricoles."
En quoi l’agrivoltaïsme répond-il à la crise agricole ?
"Tout le monde constate l'existence d'une crise profonde dans le secteur agricole. Le monde agricole est très varié, avec des acteurs aux attentes et problématiques différentes. Globalement, le secteur agricole est confronté à des challenges complètement nouveaux de réchauffement et d'intensification des phénomènes climatiques.
L'agrivoltaïsme doit donc apporter des solutions en tant qu’outil agricole, en protégeant contre les aléas climatiques, en limitant l'évapotranspiration, donc la consommation d'eau, et en augmentant le temps de pâture en élevage. Par ailleurs, l’agrivoltaïsme permet aux exploitations un modèle économique prévisible sur 40 ans, et apporte un complément de revenu significatif aux agriculteurs sur une longue période, ce qui permet de soutenir financièrement les reprises d'exploitations. Par exemple lors de transmissions ou pour des investissements dans le secteur agricole."
"Lorsque nous parvenons à générer des revenus partagés entre propriétaires et exploitants, cela contribue à pérenniser les exploitations."
En quoi l’agrivoltaïsme pérennise-t-il les exploitations ?
"Lorsque nous parvenons à générer des revenus partagés entre propriétaires et exploitants, cela contribue à pérenniser les exploitations, notamment en élevage où la crise est encore plus profonde qu’en culture. Cela permet également d’adosser des financements auprès des banques et d'investir dans l’exploitation avec une visibilité et de la stabilité à long terme, ce qui est fondamental dans le monde agricole."
Quelles sont les barrières à l’entrée pour les agriculteurs ?
"La barrière à l'entrée pour les éleveurs ou agriculteurs est nulle selon nous. Nous finançons l'intégralité du coût de l'installation. Les revenus du solaire nous permettent de financer la construction. Nous œuvrons également pour un partage de la valeur, en proposant aux agriculteurs de nous rejoindre au capital des sociétés. Ainsi, l'accès peut se faire sans aucun coût. Les principales contraintes résident dans les réglementations d'urbanisme, environnementales, la topographie, le raccordement ainsi que la taille et la disposition des parcelles."
Comment sélectionnez-vous les parcelles où l’agrivoltaïsme s’y prête ?
"Notre principe, c'est de faire en sorte que l'agriculteur change le moins possible sa façon de travailler quand il se lance dans l’agrivoltaïsme. Ainsi, on va chercher des parcelles adaptées à la pratique de l’agrivoltaïsme, avec la bonne topographie, avec la bonne orientation pour pouvoir positionner nos systèmes en ayant le moins d'incidence sur la pratique agricole avec laquelle on cohabite."
TSE s'est spécialisée sur quelles cultures / élevages ?
"Dans le domaine de l'élevage, nous travaillons avec les ovins et les bovins. En agriculture, TSE a développé des systèmes spécifiques adaptés aux grandes cultures, les seuls aujourd’hui déployables à cette échelle. Les dimensions de notre canopée facilitent le passage de la quasi-totalité du machinisme agricole, sans nécessiter de changer l'équipement de l'agriculteur."
Comment voyez-vous l’avenir du solaire en France ?
"Avec la réduction de la dépendance aux panneaux solaires produits principalement en Chine, qui représentent entre 15 et 20 % du coût total d'investissement, la création de valeur d'une centrale solaire est aujourd'hui majoritairement française ou européenne, à hauteur de 75-80%.
Nous sommes à une période propice à la réindustrialisation de la production d'équipements en France et en Europe. Cela fait partie des efforts d'Holosolis, un consortium (dont TSE est actionnaire) qui va déployer une usine de cinq gigawatts de production de panneaux solaires à Hambach, en Moselle.
C'est un projet que le président Emmanuel Macron a annoncé lors du Sommet Choose France 2023. Avec un investissement de 700 millions d'euros, dont 190 millions financés par l'État, nous sommes pleinement engagés sur toutes les dimensions de la chaîne de valeur. Peut-être qu'un jour, nous serons en mesure de sourcer des panneaux entièrement français ou européens, atteignant ainsi 95 à 100 % de la création de valeur sur une centrale solaire."
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